We were so beautiful

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Nous sommes les enfants de l'histoire, entre aînés et cadets, élevés par la télévision dans la conviction qu'un jour nous serons millionnaires, vedettes de cinéma, stars du rock, mais cela ne se fera pas. Et nous sommes simplement en train d'apprendre ce petit fait. Alors ne déconnez pas avec nous. ▲

« Putain qu'est ce que c'est que ça ?! »
« Bouge !! »
Même pas le temps de bouger, même pas le réflexe de se jeter sur le côté, rien ne vient, c'est comme si le cerveau est déconnecté, comme si on l'avait mit sur ''off'' quelques instants. On me pousse de justesse alors que le grêlon s'abat à l'endroit où je me tenais il y a quelques secondes. Non, c'est pas de la grêle ça, c'est impossible, pas de cette taille en tout cas ! C'est carrément un... un rocher qui s'est à moitié fracassé sur moi, j'aurais été décapité si ce truc avait atterrit sur ma tête ! J'ai rien demandé moi, j'ai pas demandé à ce qu'on m'arrache la gueule comme ça, je sors juste du cinéma. Très mauvais film d'ailleurs, je vous le déconseille. La chute des grêlons ne s'arrête pas, il vaut mieux se mettre à l’abri, une voiture vient de voir son toit se faire lamentablement écraser, je prie pour que ce ne soit pas ma nuque. Sérieusement, c'est quoi ce merdier ? Et comme par hasard, c'est cette année qu'ils annoncent la fin du monde, c'est maintenant qu'on doit commencer à flipper ? Parce que le remake des films d'horreur, ça me connaît, mais là je trouve que c'est un peu abusé. Évidemment, on est que cinq mecs complètement paumés, comme si on avaient décidés qu'on étaient les seuls à n'avoir rien à faire aujourd'hui. Un cinéma. Sérieusement, plus jamais je mets les pieds dans ce cinéma, je dois être maudit ce matin, je comprends pas. Et quand l'énorme grêlon tombe à mes côtés et explose d'un coup, je me dis que je devrais me la fermer, parce que côté chance là, je suis juste.
« C'est quoi cette tempête ?! »
Les nuages sont noirs et menacent de nous bouffer à chaque instant, le vent claque contre ma peau et les grêlons continuent de tomber. Impossible de s'abriter à l'intérieur, le cinéma à fermer ses portes. Et là c'est le coup de tonnerre, puissant, rugissant, celui qui fait sursauter. Et je suis touché, en plein fouet, même pas le temps de voir que les quatre autres à côté de moi le sont aussi, tant pis. Je suis projeté en arrière, comme dans un mauvais film, comme dans une série française. Ca n'arrive pas souvent en Angleterre ce genre de tempête, ou en tout cas pas à Cambridge... alors bordel, c'était quoi ça ? Mon dos heurte le sol, ma tête claque un peu mais sans plus, et le temps... le temps se calme. Plus de tempête, plus de nuages menaçants, plus de grêlons plus gros qu'une tête, plus rien. Il fait à nouveau beau, le ciel est bleu, et j'ai la gerbe.

Je me sens bizarre en ce moment, j'sais pas vraiment d'où ça vient, mais depuis cette étrange tempête, y a des trucs étranges qui se passent autour de moi. Le pire dans tout ça, c'est que je contrôle rien et que ça me fait flipper. Au début j'pensais que tout allait pour le mieux, j'me disais que ça irait parce que ce... cette sensation... ce ''truc'' qui vient de moi, bah tout ça c'est positif. Le lendemain de la tornade, ma mère était encore entrain de gueuler et vu ma gueule de bois, c'était pas le moment. Il m'a suffit d'un regard et de penser qu'elle serait bien mieux à me chouchouter qu'à gueuler, elle s'est transformée. Elle est devenue littéralement douce et calme, à mon chevet, à me caresser les cheveux en me tenant une bassine. Comme je le rêvais. Il me suffit de penser à une émotion pour que la personne en face de moi réponde automatiquement.
Dès fois je réfléchis pas, ou alors je fais pas le lien, et je me fais avoir bêtement, alors quand j'ai pensé à ce que l'autre idiot se mette en colère histoire de se taper un peu sur la gueule, j'ai pas pensé que ça pouvait déraper à ce point. Il était tellement furieux contre moi qu'il était impossible de l'arrêter, d'abord il a frappé avec ses poings, et après il a attrapé une barre en fer qui traînait au sol. J'aurais pu y passer si des gens ne passaient pas dans la rue à ce moment là. Évidemment, je fais le malin, mais j'ai atterris à l'hôpital avec la gueule bien amochée. Impossible de faire le rapprochement.
Et maintenant je commence à douter, à me poser des questions. Et si... et si la tempête avait eu un effet étrange sur moi ? Et si c'était à cause d'elle qu'il m'arrive tout ça en ce moment ? Les émotions qui changent juste parce que je le demande, comme une sorte de... de pouvoir, c'est ça. La tempête m'aurait donné un pouvoir ? La tempête aurait-elle fait de moi une personne extraordinaire ?