Mon passé c'est toute une histoire:
CHAPITRE UN : « ta vie est toute tracée »
J’avais à peine neuf ans. J’avais toute ma vie à dessiner, et pourtant, tout ceci n’était qu’une illusion. Pour moi, tout était déjà écrit. Ma vie, ma destinée, mon futur. Je n’avais pas le choix. On l’avait fait pour moi. Juste pour une question de richesses, de profits et de richesses. Juste pour éviter la faillite. Juste pour sauver des putains d’entreprises. Celles de mon père.
« Ma chérie ? » dit Rosalina, ma mère, tout en m’adressant un charmant sourire, rempli d’une douceur… fausse. Je m’avançais lâchant la poupée subitement, ne comprenant pas le comportement de ma mère. Puis, quand quelques centimètres nous séparèrent, ma mère me prit sur ses genoux, ne quittant toujours pas ce sourire rempli d’hypocrisie. J’étais loin d’être stupide…
« Je ne vais pas te le cacher plus longtemps mais… » rajouta-t-elle en caressant tendrement mes cheveux blonds légèrement bouclés, trahissant ainsi sa nervosité. Trouvant la situation vraiment bizarre – ma mère ne pouvait plus avoir d’enfants donc elle n’allait pas m'annoncer qu’elle était enceinte – je la fixais silencieusement, tout en arquant un sourcil.
« Oui, mère. Je vous écoute… » répondis-je poliment. On m’avait toujours appris à prononcer le mot « père » et « mère » pour les appeler. Ils m’avaient même giflé un jour lorsque j’avais prononcé « maman » par maladresse… Puis, je descendis de ses genoux, refusant toute marque de tendresse dans un tel moment. Mais je ne quittais toujours pas son visage, attendant la réponse avec impatience.
« Rosa… Quand tu auras dix huit ans, tu épouseras Alvaro. Tu sais, le fils du concurrent de ton père… Sinon, ses entreprises vont faire faillite et toute cette richesse disparaitra. » m’expliqua-t-elle tout en balayant du regard le salon, me montrant ainsi nos conditions de vie qui étaient jusqu’ici aisées. Je vis alors mon monde s’écrouler. J’avais à peine neuf ans, et on venait de m’annoncer que mon histoire était déjà toute écrite… Je ne répondis pas, préférant tourner les talons à ma mère afin de quitter le salon. Ils me le payeront un jour. Promesse de petite fille…
CHAPITRE DEUX : « le plus beau jour de ta vie est ruiné »
Dix huit ans, un des meilleurs âges. Mais ce n’était pas mon cas. Pour moi, avoir dix huit ans rimait avec prison. J’allais être prisonnière d’un homme. Alvaro. Un homme de deux ans mon ainé. J’allais perdre ma liberté, cette indépendance que j’avais tant cherchée. Malheureusement, on allait me l’enlever, me la prendre sans me demander mon avis. Encore une fois. Encore une fois, j’allais passer au second plan, juste pour de la richesse. Mes parents étaient tellement… hypnotisés par elle qu’ils en oubliaient leur propre fille. Leur petite princesse qu’ils chérissaient tant quand elle était encore un bébé. Face au miroir, je me fixais. Je portais cette fichue robe de mariée. Je la maudissais alors que dans d’autres circonstances, je l’aurais adorée… Tout ce que je voulais, c’était de la déchirer et de remettre mon bon vieux jean. Malheureusement, je ne pouvais rien faire. J’étouffais. Je suffoquais petit à petit. Je devais me résoudre à l’épouser. Le fils du concurrent de mon père juste parce que mon paternel ne voulait pas voir perdre son rang dans toute l’Italie. Je soupirais profondément, désespérée par ma propre vie. Finalement, une larme tomba au sol lourdement. J’aurais tellement voulu avoir une autre vie…
« T’es prête ma chérie ? » me dit-elle, en apparaissant dans la pièce. Ma mère venait d’arriver pour venir me chercher. Mon père devait certainement être en bas, car j'allais devoir faire mon entrée dans l'église à son bras. Telle était la tradition, alors que c’était lui seul qui m’envoyait dans cet abattoir. La vie pouvait être tellement hypocrite... Je me mis à fixer ma mère par l’intermédiaire du miroir, pendant une minute. Pendant ce temps, je serrai un poing afin d’empêcher ma rage et ma haine de sortir. Finalement, je lui fis face, tout en affichant un sourire radieux.
« Ne fais pas celle qui est joyeuse car je sais très bien que tu l’es pas. » me dit-elle en tentant de toucher ma joue pour la caresser, mais au même moment, je reculais mon visage afin d’éviter tout geste manifestant une quelconque tendresse de ma génitrice.
« Nous aussi c’est dur, crois moi… » rajouta-t-elle, en affichant un sourire gêné.
« Arrêtez de jouer la victime, mère. Je ne vous crois pas. Vous me le payerez un jour. » lui répondis-je, assez froidement, tout en descendant les escaliers faisant attention à ne pas déraper. Ca serait bien con pour eux !
CHAPITRE TROIS : « à vingt ans, ta vie est déjà détruite »
Vingt ans, et encore toute une vie devant toi. Cependant, je faisais encore exception à la règle car j’étais loin d’être contente d’avoir enfin vingt ans. Je les maudissais d’ailleurs, pire que mes dix huit soit le jour de mon mariage avec Alvaro. Mes vingt ans furent une sale année. J’aurais tout donné pour changer de vie, surtout ce jour là. Ce jour où j’avais vu mon monde s’écrouler une nouvelle fois. Ce jour où je m’étais sentie couler. Ce jour où j’avais perdu mon seul point d’attache, la gymnastique. Je fixais le médecin, silencieusement. J’attendais nerveusement les résultats. Et si j’étais vraiment malade ? Alvaro était là, assis à coté moi. Il avait réussi à me prendre une de mes mains pour entrelacer ses doigts avec les miens. Je ne l’avais pas repoussé cette fois ci, bien trop alarmée par ce qui allait arriver. Je serrai alors sa main du plus fort que je pouvais, espérant que tout ce que j’étais en train de vivre était qu’un simple cauchemar. Hélas, je me trompais. Je mordillais ma lèvre inférieure, geste qui trahissait mon stress et ma nervosité. Finalement, le médecin inspira un bon coup, et prit la parole.
« Je suis désolé mais vous souffrez d’une cardiomyopathie ce qui sous entend que vous allez devoir arrêter toute activité sportive en attendant une quelconque opération… Sauf si vous voulez mourir. » expliqua-t-il d’un ton calme. Le monde s’arrêta alors de tourner pendant quelques secondes, qui me parurent l’éternité. Mon monde venait de bruler. Il me demandait d’arrêter la gymnastique, soit au moins dix années de ma vie. On me demandait de renoncer à mes rêves. Il ne pouvait pas. Il n’en avait pas le droit. Sans rêves, plus de vie, disait-on... Je ne vis que flammes autour de moi pendant un bref instant. Puis, je me mis à éclater en sanglots et brutalement, Alvaro me prit dans ses bras. Pour une fois, je ne m'étais pas reculée. Je venais d’accepter volontairement un geste de tendresse de sa part. On m’avait vraiment tout pris. Ma vie était vraiment détruite… J’étais au plus bas.
CHAPITRE QUATRE : « ta vie peut-elle redevenir normale ? »
Vingt et un ans, soit un an après le jour où j’avais du renoncer à mes rêves, à ma vie. Et je ne voyais toujours pas la sortie de ce tunnel, dans lequel, j’avais perdu la vue à cause de cette obscurité étouffante. Alvaro m’avait toujours soutenu, dans cette dure épreuve, mais hélas, ca avait été compliqué et difficile, et ça l’était encore un an plus tard. Que faire à présent ? J’avais trouvé une idée, une solution. Je devais reprendre la gymnastique, malgré que j’avais réussi à combler – mais pas entièrement non plus – en me plongeant dans le domaine culinaire à plus grand bonheur d’Alvaro… Mais je restais encore pale, avec des cernes violacées qui ne quittaient jamais mon si joli visage. Néanmoins, j’allais bientôt retrouver la sortie de ce tunnel infini. Je ne savais pas exactement comment ça allait se passer, mais je m’en foutais. J’avais déjà tout perdu. Je n’avais plus rien qui me retenait dans ce monde. J’aurais tellement voulu le cacher à Alvaro, mais là aussi, je me confrontais à une trop grosse difficulté pour moi…
« Je sais que tu me caches quelque chose, Isis. Dis moi qu’est ce qui va pas. Je sais très bien que ça va en ce moment mais… Mais je t’aime, tu le sais hein ? Même si toi, tu m’aimes à ta façon… Dis moi, je t’en prie. » me dit-il, en plantant son regard inquiet dans mes prunelles couleur émeraude. Je soupirai doucement, baissant le regard ne pouvant soutenir le sien. Je m’en voulais, mais je voulais quand même tenter…
« Je vais me faire greffer un cœur artificiel, Alvaro. Je ne peux pas attendre plus longtemps… Ca fait un an qu’on m’a promis un nouveau cœur et j’attends encore… C'est trop dur Alvaro. » lui répondis-je, toujours sans le regard. Alors, il s’approcha de moi, releva mon menton pour que je le regarde. Il semblait inquiet et surtout angoissé par cette annonce. « Tu parles de ces activités illicites et illégales n’est ce pas ? … ». Je hochais la tête.
« Mais t’es complètement folle… Et si ça se passait mal ? T’images ce côté ? Si je te retrouve morte ? » renchérit-il, affolé à l’idée de me perdre.
« Alvaro… Laisses moi le faire je t’en prie. » lui dis-je, en le fixant, déterminée. Il n’arrivera pas à me faire changer d’avis, et il le savait très bien. Il soupira et me serra très fort contre lui.
CHAPITRE CINQ : « ta vie ne sera plus jamais comme avant »
Aujourd’hui, j’ai vingt quatre. Je suis toujours mariée à Alvaro, bien que je ne l’aime pas comme il le voudrait. Cependant, je suis quand même attachée à lui. J’ai toujours une cardiomyopathie même si je me suis faite greffée un cœur artificiel en pensant que ça allait me permettre de reprendre la gymnastique. Malheureusement, l’opération a laissé beaucoup de séquelles, comme mon rythme cardiaque qui n’est plus du tout fiable. Alors, j’ai vraiment du renoncé à mes rêves alors que j’avais été à deux doigts de les atteindre. Je me suis donc à nouveau retrouvée dans ce tunnel interminable. Ca ne va pas même si j’essaye de combler ce manque grâce à la cuisine. Je sais qu’Alvaro se fait beaucoup de souci pour moi, et donc, j’ai appris à être toujours joyeuse pour lui. A présent, les gens ne savent rien sur moi. Je ne parle guère de mon passé, de mes conditions de vie (qui se sont dégradées vu que je ne parle plus du tout à mes parents), de ma maladie et de mon opération qui a foiré.
« Alvaro… J’en ai marre de tout ça. » lui dis-je, soudainement, assise sur notre lit. Il se tourne, me regarde en arquant un sourcil.
« J’ai entendu parler des Jeux de la Recherche... Je pense que ça peut être un bon tremplin pour tout recommencer. » renchéris-je, avec un faible sourire.
« Et ta maladie, Isis ? Tu sais très bien que personne ne te prendra car tu n’as plus aucune compétence physique… » me répond-t-il, inquiet tout en me fixant.
« Je ferais cuisinière et je mentirais sur ça. C’est tout. Mais c’est le seul moyen… » dis-je, faiblement, dévoilant ma faiblesse de femme que cette vie m’a créé. Je vais peut être droit dans le mur, mais qu’importe…